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Exclusif : Nous avons visité la Grande Pyramide en 3D

The 14 November 2017 by CAO.fr

Paris, novembre 2017

Jean-François Prevéraud, qui collabore régulièrement à notre newsletter, a eu le privilège voici quelques jours de participer à une visite en réalité virtuelle de la Grande Pyramide, afin de mieux comprendre la nature de la découverte d’une cavité inconnue annoncée début novembre. Il nous fait le récit de ce moment inoubliable, tant par la qualité du modèle que par les moyens mis en œuvre sur un plateau de plus de 300 m².


Le message était sibyllin et le rendez-vous original : « Si tu veux connaitre le mystère de la Grande Pyramide, rendez-vous dans les sous-sols de la Cité de l’Architecture lundi à 18 heures ». De quoi exciter ma curiosité, je me rends donc au rendez-vous. Dehors les bourrasques entrainent les feuilles mortes dans une nuit noire et pluvieuse. Un gardien m’attend et me guide dans le dédale des couloirs souterrains. Un scénario digne d’Edgar P. Jacobs. Serais-je entrain de revivre l’aventure de Blake et Mortimer ?

Non, je suis bien en plein 21e siècle. Car si je viens de pénétrer dans une immense salle aux voutes de pierres, c’est Mehdi Tayoubi, Vice-président de Dassault Systèmes, Président et co-fondateur de l’institut HIP (Heritage Innovation Preservation) et co-directeur de la mission ScanPyramids qui m’accueille. « Nous avons monté ce laboratoire éphémère de réalité virtuelle dans le plus grand secret voici deux mois, avec l’aide de la Cité de l’Architecture, pour permettre à des groupes de se déplacer à l’échelle 1 dans la Grande Pyramide, afin de mieux évaluer la portée des découvertes qui ont été annoncées la semaine dernière. Nous avons ainsi pu les présenter à des groupes de scientifiques, d’égyptologues et de décideurs, afin d’envisager la poursuite des recherches ».

La salle de réalité virtuelle
Illustration 1 - Copyright Emissive
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  • Illustration 1: La salle de réalité virtuelle de près de 300 m² équipée avec les pylônes supportant les caméras infrarouges dans laquelle nous allons évoluer en groupe avec notre ordinateur individuel et notre masque de réalité virtuelle, libres de tous câbles.

Une salle couvrant deux terrains de tennis

Et de fait l’installation est impressionnante. Imaginez un plateau de 8 mètres par 40, plus de 300 m², bordé de pylônes portant des caméras infrarouges. On m’équipe avec un ordinateur, qui me tient lieu de sac à dos, relié à un masque de réalité virtuelle. Les quatre autres personnes qui vont m’accompagner disposent du même équipement. Chacun des masques est doté de 6 Leds infrarouges qui permettent, via les caméras sur les pylônes, de les positionner parfaitement dans l’espace et de connaitre le champ de vision instantané de chacun des visiteurs. Ces informations, traitées par un serveur, commandent les images que mon ordinateur va afficher dans mon masque. Je serai alors projeté dans une scène de réalité virtuelle où je verrai aussi se déplacer les avatars de mes compagnons d’exploration.

C’est Emmanuel Guerriero, Président d’Emissive, la société qui a mis en place l’équipement et qui le gère, qui sera notre guide. Il dispose en plus de nous d’un pointeur pour attirer notre attention sur certains détails.

« Nous allons commencer par un survol du plateau de la nécropole de Gizeh où se dressent entre autres les pyramides de Kheops, de Khephren et de Mykérinos, ainsi que le Sphinx. La mission ScanPyramids a modélisé cet ensemble à l’aide de nombreux relevés sur le terrain. Il est donc géométriquement exact et le rendu réaliste est assuré par le placage d’une multitude de photos sur les faces du modèle ». L’effet est saisissant. Nous sommes des géants d’une centaine de mètres de haut, déambulant librement dans cet ensemble, car il faut effectivement marcher pour changer notre point de vue.

Les flashs du téléporteur

« Nous allons maintenant nous placer au centre du téléporteur que je viens de faire apparaitre, pour nous rendre directement à l’entrée du couloir des voleurs, galerie creusée par des pilleurs de tombes vers l’an 800, afin de pénétrer dans la Pyramide de Kheops, dite Grande Pyramide ».

Je me place au centre du cercle qui vient d’apparaitre. Un grand flash blanc et je me retrouve à l’échelle 1 cette fois sur les pierres de parement de la pyramide, au bord du vide, juste devant l’entrée d’une galerie mal équarrie. Je suis mon guide et avance dans le boyau. Il me faut baisser la tête car des pierres dépassent du plafond, puis tourner légèrement pour suivre ce couloir. Toutes les roches sont là en 3D avec un rendu hyper réaliste. Je parcours une vingtaine de mètres avant d’arriver au bout de la galerie qui débouche dans le Couloir Ascendant menant à la Grande Galerie. Là les pierres calcaires sont parfaitement appareillées dans une maçonnerie de très grande qualité.

Nouveau déplacement en téléporteur et nous sommes au pied de la Grande Galerie juste devant le couloir menant à la Chambre de la Reine. Nous parcourons la trentaine de mètres qui nous mène à cette chambre. Le couloir est étroit et il faut se baisser pour franchir plusieurs portes, avant de déboucher dans la chambre, une pièce carrée au toit fait de dalles inclinées placées en chevrons. La niche marquant le début d’un couloir est bien rendue, tout comme les conduits d’aération.

Remontée de la Grande Galerie en direction de la Chambre du Roi
Illustration 2 - Copyright Emissive
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  • Illustration 2 : Equipés de notre masque de réalité virtuelle, nous remontons la Grande Galerie en direction de la Chambre du Roi.

Nouveau déplacement en téléporteur et nous nous retrouvons en haut de la Grande Galerie longue de 48 m et haute de 8,6 m, la vue est impressionnante. Nous pénétrons en baissant la tête dans l’Antichambre des Herses pour finalement déboucher dans la Chambre du Roi. La maçonnerie est en granite et le toit horizontal d’une portée de 5,2 m est une prouesse exceptionnelle pour l’époque (plus de 4 500 ans). Nous pouvons aussi découvrir le sarcophage de granite qui devait accueillir la momie du pharaon.

Notre groupe a rejoint la Chambre du Roi
Illustration 3 - Copyright Emissive
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  • Illustration 3 : Notre groupe a rejoint la Chambre du Roi.

Le nuage de points de la découverte

« Nous allons maintenant passer à travers la maçonnerie et prendre un peu de recul par rapport à cette chambre ». Nous accédons alors à une passerelle virtuelle depuis laquelle nous découvrons la superstructure et ses dalles de décharge, qui surplombe le toit de la chambre alors qu’elle est inaccessible.

« D’ici nous pouvons aussi découvrir au-dessus de la Grande Galerie la cavité dont la découverte vient d’être annoncée ». Effectivement un nuage de points, traduisant l’anomalie mise en évidence par trois équipes utilisant trois techniques différentes, se trouve au-dessus de la Grande Galerie. « Pour le moment, nous n’avons pas de forme géométrique et de positionnement précis. La cavité ou un ensemble de cavités fait environ 40 m de long, tout comme la Grande Galerie et se situe dans le même plan. Mais nous n’en savons pas plus. Il va donc falloir lancer de nouvelles recherches. C’est pourquoi nous avons montré cette découverte dans ce laboratoire aux autorités pouvant autoriser et financer ces travaux, avec des retours très positifs ».

le nuage de points au dessus de la Grande Galerie
Illustration 4 - Copyright Emissive
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  • Illustration 4 : Depuis la plate-forme créée à l’extérieur de la Chambre du Roi, dont on aperçoit le sarcophage, nous découvrons le nuage de points au dessus de la Grande Galerie, qui matérialise la nouvelle cavité découverte.

Il est vrai que la vision est fascinante et excite la curiosité avec l’envie d’en savoir plus. D’autant qu’une autre cavité, ressemblant à un embryon de couloir, a aussi été découverte au-dessus de l’entrée principale et pourrait mener à la grande cavité. Y aurait-il un double de la Grande Galerie et de la Chambre du Roi dans la Grande Pyramide ?

L’attirance du vide

Encore un petit coup de téléporteur et nous voici sur une passerelle virtuelle placée au-dessus du vide juste devant la cavité située aux deux tiers de l’arête Nord-Est de la pyramide. « Nous avons dû créer cette passerelle virtuelle, car à cette altitude (80 m) le vertige se fait sentir chez beaucoup de visiteurs ». De fait, on a oublié depuis longtemps que nous étions dans un monde virtuel parfaitement rendu, et l’on hésite vraiment à mettre un pied dans le vide, même si l’on se raisonne en sachant que l’on est dans une salle au sol parfaitement plat. Le virtuel l’emporte, même si la présence d’une balustrade rassure, et nous nous mettons à l’abri dans la cavité. Elle pourrait correspondre au coude reliant deux galeries inclinées situées sous les faces de la pyramide ayant servi pour sa construction, si l’on se réfère à la théorie de l’architecte français Jean-Pierre Houdin déjà modélisée par Dassault Systèmes en 2005. Tout est ici parfaitement rendu, même les graffitis gravés par des touristes voici plus de 100 ans.

Retour à la réalité

Un dernier coup de téléporteur et nous sommes au pied de la pyramide. Nous retirons les casques et nous retrouvons la salle du sous-sol de la Cité de l’Architecture. Déçus que la visite soit déjà finie, pourtant elle a duré près d’une heure. C’est la première fois que je supporte un casque de réalité virtuelle aussi longtemps, qui plus est sans avoir la nausée. Je suis bluffé par la démonstration, tant par la qualité de la présentation que par la technique parfaitement mise en œuvre. Je n’ai qu’une hâte recommencer le plus vite possible dans les mêmes conditions ! Certains opérateurs de parcs de loisirs et de grands centres culturels, qui ont visité ce laboratoire éphémère, ont semblé très intéressés.

Et dire qu’il va falloir maintenant que je retrouve une nuit froide et humide, alors qu’il y a quelques instants encore j’étais aux portes du désert. Le seul mauvais côté de la réalité virtuelle, le retour à la réalité !

Voici enfin, avant quelques détails techniques, une vidéo pour permettre d'en apprendre davantage sur la mission ScanPyramids.


Mission ScanPyramids 2017
L’envers du décor
Les positions relatives des casques de réalité virtuelle Occulus dans la scène sont fournies par des caméras de tracking Optitrack qui détectent les positions des 6 Leds infrarouges qui équipent chacun. Ces informations de positionnement alimentent un serveur qui détermine les positions et champs de vision de chacun des acteurs. Ces informations sont transmises en WiFi au PC MSI VR One doté d’une carte graphique Geforce GTX 1070 porté par chaque acteur, afin de lui faire afficher, grâce à l’application embarquée qui pèse plus de 2,6 Go, les images exactes de la scène de réalité virtuelle correspondant à son positionnement en incluant les avatars des autres acteurs du groupe.

Plus sur la mission ScanPyramids : www.scanpyramids.org/

Plus sur Emissive et sur ce projet : www.emissive.fr/project/scan-pyramids

Plus sur Dassault Systèmes: www.3ds.com/fr